Dani | It's a beautiful day to save lives

Ton vrai prénom, celui que tes parents t'ont donnée à la naissance est Danielle, mais tu ne l'as jamais aimé. Tu as l'impression qu'il fait trop précieux, trop princesse et tu as toujours préféré qu'on t'appelle Dani, c'est d'ailleurs comme ça que tu te présentes aux gens. ▽ Tu es fille unique et tu as toujours eu l'attention complète de tes parents. Tu es pour eux la huitième merveille du monde et ils t'ont toujours acceptée comme tu étais, ils n'ont pas essayé de te changer ou de te faire faire des choses que tu ne voulais pas. ▽ Depuis que tu as l'âge de le faire, tu te teins les cheveux en blonds. Naturellement tu es brune mais on t'a souvent dit que cela renforçait tes traits. Tu trouves que le blond te va mieux, qu'il te rend plus joyeuse. Te teindre les cheveux a longtemps été la chose la plus féminine que tu faisais. ▽ Au fils des années tu as fait de plus en plus attention à ton apparence extérieure, tu n'en as rien à faire mais tu remarques qu'il est plus simple de se faire des amis, notamment des amies filles, quand tu es soignée. ▽ Tu as essayé de te lancer dans des études de médecine mais c'était bien trop compliqué pour toi. Tu n'as jamais été très studieuse, préférant de loin courir dans la nature que rester enfermé dans une bibliothèque. Tu t'en es vite rendue compte et tu as abandonné ces études. ▽ Tu n'as jamais eu des passions très "girly". Très tôt tu as eu un certain goût pour la mécanique et les motos, les sports en tout genres et les sensations fortes. Tu es accro à l'adrénaline et tu n'as jamais pu en trouver assez en faisant de la danse ou de l'équitation. ▽ Tu as grandis en plein air, dans la campagne de l'Alaska et grâce à cette éducation tu es une amoureuse de la nature. ▽ Tu ne manges plus de viande depuis des années mais tu tolères encore le poisson de temps en temps. Tu n'essaies pas de forcer les gens autour de toi à changer complètement leurs habitudes alimentaires mais tu en parles, parce c'est important pour toi.

1989. 5 ans. Tu regardes la nature autour de toi, les feuilles vertes qui bougent sous le vent encore frais, les fleurs qui s'ouvrent timidement, les cours d'eaux qui profitent de leur liberté retrouvé. Tu fermes les yeux, tu prends la plus grande inspiration possible, gardant tout l'air que tes petits poumons peuvent contenir pendant quelques secondes, comme tu as vu ton père le faire si souvent. Tu lui jettes un coup d’œil amusé, un sourire espiègle se dessine sur tes lèvres. Tu sais qu'il peut lire en toi ce que tu prépares, si ta mère était avec toi dehors elle te mettrait sûrement en garde mais pas lui, lui il va te laisser faire. Alors tu te mets à courir de toutes tes forces, laissant ta maison s'éloigner dans ton dos. Le vent te claque sur le visage et un rire cristallin sort doucement de ta bouche. Sous le regard adorant de ton père tu laisses tes pas t'entraîner dans la plaine et bientôt tu ne les contrôle plus. Tu te laisses tomber et ton rire se fait encore plus franc, il n'y a plus que ce son à tes oreilles, plus que ta voix qui brise le silence majestueux de la nature. Tu roules dans l'herbe, appréciant la vitesse avec laquelle tu dégringoles. Puis tu t'immobilises et alors que tu restes allongée sur le dos au milieu des jeunes fleurs et des brins d'herbe verte, ton regard se perd dans les nuages blancs. Ce sourire heureux est toujours accroché à tes lèvres et tu as l'impression que tu ne pourras jamais le perdre. A ce qui te semble être des kilomètres de toi, tu entends la voix de tes parents parlant doucement, c'est un son qui te rassure. Tu sais qu'ils ne sont pas très loin et que rien ne peut arriver. Mais de toute façon tu te sens invincible, là, au milieu de la clairière qui entoure ta maison, tu es saine et sauve. Maintenant que le printemps est revenu, que le soleil perce les nuages et que la neige a fondue, tu es au paradis.


1996. 12 ans. « Maman s'il te plaît, laisse moi rester. » Tu implores, tu supplies et ça ne te ressemble pas. Elle ne comprends pas d'ailleurs ta mère, elle ne sait pas pourquoi tu te mets dans tous tes états. Tu as peur de lui dire franchement, de prononcer les mots qui t'inquiètent et qui t'angoissent, tu ne veux pas les dire parce que tu sais très bien qu'elle se moquerait gentiment de toi, qu'elle te dirait que ce n'est pas si grave et que tout va bien se passer. Mais tu sais que c'est faux. Aujourd'hui c'est la rentrée scolaire et tu vas être obligée de quitter tes paysages apaisants pour prendre un bus jusque Juneau et passer la journée assise dans une salle de classe. Tu reviendras ce soir évidemment, mais après tout ce qu'il se sera passé tu n'auras pas la force de courir dans les champs. A l'école tu n'arrives pas vraiment à t'intégrer, les gens t'appellent Danielle et tu détestes ça. Tu ne t'entends pas avec les filles, elles ne font que se chamailler et parler de garçons plus âgés, rien de ça ne t'intéresse. Toi tu voudrais traîner avec les garçons, faire du sport avec eux et parler de mécanique, mais ils te trouvent bizarre. Parce qu'une fille est censée être une princesse, une fille doit porter du rose et bien se comporter. Mais tu n'es pas comme ça, tu ne veux pas l'être. Tu voudrais rester chez toi, au milieu de nul part à profiter du plein air et regarder la nature évoluer. Quand tu es seule au milieu de la nature, chez toi, avec tes parents, tu n'as pas à être quelqu'un d'autre. Tu peux être juste Dani, cette fille qui court dans la forêt, qui mange ce qu'elle veut quand elle veut, qui rit de la vie. A l'école, tu as l'impression de t'enfermer dans une enveloppe qui ne te correspond pas, qui est bien trop petite pour contenir tout ton être. Mais sous les yeux légèrement inquiets de ta mère, tu soupires, les yeux humides. Au fond de toi tu sais que tu n'as pas le choix, il faut que tu montes dans ce bus. Ce n'est pas partir qui te gène, ce n'est pas non plus l'école, ce sont les autres enfants que tu n'aimes pas. Ça t'effraies de voir à quel point on peut être odieux quand on a douze ans.


1999. 15 ans. Tu sens la nervosité monter en toi alors que tu jettes un dernier coup d’œil dans le miroir. Tu n'as pas l'habitude de te sentir comme ça et tu ne sais pas vraiment comment réagir mais tu sais en tous cas que tu ne peux pas lutter contre le sourire plaqué sur tes lèvres. Tu passes une main dans tes cheveux et lisse un pli sur la chemise que tu portes. Tu attends, impatiemment, que des petits coups se fassent entendre à la porte. Aujourd'hui, tu as ton premier rendez-vous avec un garçon. Quand tu en as parlé à tes parents, tu as essayé d'agir comme quelqu'un de cool, comme si c'était totalement normal et que tu n'en avais rien à faire. Au fond, tu bouillonnais. Tu as enfin réussi à t'intégrer un peu au lycée et tu as des amis, maintenant tu as un rendez-vous, tout est parfait. Lorsque trois petits coups se font entendre tu te diriges vers la porte d'entrée et rougit légèrement en voyant le visage de l'adolescent. Si toi-même n'était pas aussi excitée, tu aurais peut-être déceler un peu de déception dans ses yeux. Mais tu ne réfléchis pas à tout ça et tu t'élances dehors en marmonnant quelques mots à tes parents.

Il ne s'est passé que deux heures et pourtant tu reviens déjà chez toi, le visage rouge et les yeux bouffis. Rien ne s'est passé comme tu l'espérais et tu ne comprends pas pourquoi. Tu pousses la porte de ta maison et cours dans ta chambre sans faire attention aux regards inquiets de tes parents. Tu les entends pourtant monter l'escalier à ta suite, mais tu t'étales sur ton lit, les yeux humides. Tu sens ta mère et ton père se poser sur ton lit, près de toi et tu te redresses, serrant un coussin dans tes bras. Tu ne les regardes pas vraiment, tu ne les écoutes pas vraiment, tu te sens vide et seule. « Il m'a demandé pourquoi je n'étais pas mieux habillée ou maquillée. » Tes parents se tendent et tu peux sentir la colère monter en toi. La tristesse n'aura été que de très courte durée, maintenant tu es pleine de rage et d'incompréhension, tu ne fais pas attention aux paroles rassurantes de tes parents, tu ne fais qu'extérioriser. « Il m'a dit que j'aurai dû faire un effort, qu'être comme ça à l'école c'était drôle mais que je ne pouvais pas être comme ça tout le temps. » Pour la première fois depuis que tu es rentrée tu les regardes tes parents, tu analyses leurs expressions. Ils ont l'air désolés et tristes, inquiets aussi. Mais tu leur souries, tu les rassures. Toi tu sais qui tu es et tu aimes cette personne. Tu n'as pas peur d'être toi, de t'affirmer. Tu te promet qu'un jour tu iras dans un endroit où tu pourras être qui tu veux, qui tu es. Et ils te sourient en retour tes parents, eux aussi ils savent qui tu es.


2002. 18 ans. Tu as besoin de liberté, tu as besoin de changer d'air. Tu l'aimes ta maison au milieu de la clairière, avec la forêt et les cours d'eau qui s'éveillent au printemps. Tu les aimes tes parents, eux qui ont toujours été là pour toi, qui ont tout fait pour toi, les seuls qui n'ont pas essayé de te changer. Mais c'est à cause de ça que tu as besoin de partir, à cause de toutes ces personnes qui ont voulu faire de toi une autre personne, une Danielle. Tu es jeune, peut-être trop mais c'est aussi pour ça que ce sentiment de liberté, tu crèves d'envie de le ressentir. Alors tu vas partir, il le faut. Tu prends un an pour toi, juste un an, avant de commencer l'école de médecine. Un an pour découvrir ce pays où tu es née, ce pays qui a tant de choses à t'offrir. Tu vas le faire à dos de moto, celle de ton père. Lui est fier de toi, il voudrait t'accompagner, mais tu as besoin de le faire seule. Ta mère aussi est fière, mais tu sais qu'au fond elle a peur pour toi, parce qu'à ses yeux tu es toujours son bébé. Mais tu n'as pas peur, tu sais que tu reviendras de temps en temps les voir, et ils viendront te voir. A peine majeure tu t'envoles du nid, tu quittes le cocon familial, ton Alaska natale pour découvrir les États-Unis d'Amérique, pour rencontrer de nouvelles personnes. Des gens qui ne critiqueront pas, qui n'attendront pas de toi que tu portes du rose ou que tu choisisses d'aimer soit les filles, soit les garçons. Non, tu vas la sentir la liberté, celle dont tu rêves depuis si longtemps. Celle qui enivre, celle qui exalte, celle qui fascine. Tu pars sur les routes Dani, tout simplement.


2003. 19 ans. L'année s'est un peu prolongée. Tu es allée à l'université, l'histoire de quelques mois, mais il ne t'a pas fallu longtemps pour comprendre que ce n'était absolument pas fait pour toi. Maintenant que tu as goûté à la liberté, tu ne peux plus retourner sur les bancs de l'école, tu ne le veux pas. Tu en as parlé à tes parents, ils étaient d'accord avec toi, ce n'était pas ce qu'il fallait que tu fasses. Mais tu voulais être utile, tu voulais aider, ça restait une de tes priorités, alors tu t'es réorientée vers une formation d'ambulancière. Amener les gens à l'hôpital, les mettre en sécurité avant que quelqu'un puisse les soigner, c'est un métier vital, nécessaire. C'est des études plus courtes aussi, et tu ne craches pas là-dessus. A côté de ça tu as maintenant le temps de faire des choses, de t'engager dans des causes qui te tiennent à cœur et même si tu es loin de l'Alaska, à tes yeux la nature doit être protégée partout. Tu t'es installée dans la ville de Montana, dans le Wyoming, et même si tu ne penses pas faire ta vie ici, tu t'y plais pour le moment. Ce n'est ni trop petit ni trop grand et les paysages sont à couper le souffle, en un sens tu as l'impression d'être chez toi. Tu te mets à intégrer des associations pour la protection de la nature et des animaux, tu as arrêté de manger de la viande il y a quelques temps et tu n'es pas prête de recommencer. Tu vas de plus en plus souvent à des manifestations, tu t'engages dans la cause de plus en plus. Jusqu'au jour où l'une d'entre elles dégénère et tu te fais arrêtée et forcée de faire des travaux d'intérêt généraux. Tu ne le fais pas avec plaisir, mais tu ne regrettes rien. Tu crois en ta cause de toutes tes forces et rien ne te fera changer d'avis. Et puis pendant cette période là tu rencontres Hunter, cet homme avec qui tu t'entends immédiatement. Il te fait comprendre ce que ça veut dire d'être amis, et ça te change la vie.


2012. 28 ans. Presque dix ans plus tard tu es toujours là, à Montana. En arrivant dans cette ville tu n'aurais jamais cru y rester aussi longtemps et pourtant c'est ici qu'est ta vie aujourd'hui. Tu as des amis, des connaissances, un travail et un certain confort. Tout ce qu'il te manque ce sont tes parents, mais tu retournes une fois de temps en temps en Alaska. Les paysages nordiques te manquent, mais ceux que tu côtoies tous les jours sont devenus habituels, familiers, ils sont ta maison maintenant. L'endroit où tu vis est à peu près la seule chose qui a changé chez toi, tu es toujours amoureuse de la nature, tu es toujours passionnée par la mécanique, accro à l'adrénaline et ambulancière. Oui, tout cela te défini assez bien et aujourd'hui tu aimes qui tu es. Tu es intégrée à la communauté et ça fait du bien, tout simplement. Tu vis un peu au jour le jour, tu ne sais pas si tu seras toujours là dans dix ans, mais tu ne t'en plaindrais pas. Montana, c'est chez toi maintenant.


2016. 33 ans. Tu claques la porte derrière toi et prends une grande inspiration. Tu ne comprends pas ce que tu fais là, tu ne comprends pas pourquoi tu essaies encore. Tu te rends de plus en plus compte que tu n'as rien à faire dans cette relation, que cet homme n'est pas fait pour toi. Parce qu'encore une fois tu t'es faite avoir, ce n'est pas toi qu'il veut, c'est ton corps, ton physique que certains qualifie d'avantageux. Mais il voudrait que tu sois une poupée, que tu restes sagement à la maison à faire de la couture en attendant son enfant. Tu n'es pas prête pour ça, ce n'est pas qui tu es. Tu as besoin de ta liberté, tu as besoin de respirer et de faire ce qu'il te plaît. Alors une nouvelle fois tu vas devoir partir, mais cette fois il est hors de question que tu quittes la ville à cause de quelqu'un qui ne sait pas t'apprécier pour qui tu es. Non, tu vas le quitter lui, partir de cette relation malsaine qui ne fonctionne plus. Tant pis si tu le croises tout les jour dans le centre ville, tant pis s'il y a des rumeurs, tu pourras survivre. Tu survivras, si tu retrouves ta liberté.