lost along the way (abigail)

Son père n'a jamais cru en elle, il y en avait toujours que pour sa grande sœur. Au fil des années, elle a fini par croire qu'il avait raison. Elle manque encore maintenant cruellement de confiance en elle. / C'est une passionnée de cinéma, elle adore les vieux films. Elle se rend souvent au cinéma, c'est l'un des seuls endroits où elle se sent à l'aise. C'est devenue une vraie habituée. / Depuis Joshua, elle n'a pas vraiment eu de relations sérieuses. Elle a mis du temps à se remettre de cette séparation. À l'heure actuelle, elle ne se sent pas encore prête à avoir une relation sérieuse même si elle sait également que cela pourrait finir par lui plaire d'être casée. / Elle n'arrête pas de chipoter à ses cheveux quand elle est nerveuse. / En plus de son rêve de devenir écrivaine, elle a toujours souhaité devenir danseuse professionnelle mais elle a deux pieds gauches.

   Abigail est née le 13 avril 1988 à New York, elle vient d'un milieu aisé. Abigail n'a jamais manqué de rien. Elle est née trois ans après Sawyer. Elle ne s'est jamais vraiment bien entendue avec sa grande soeur. Il faut dire que l'attitude de son père n'a pas arrangé les choses. Celui-ci a toujours eu tendance à favoriser Sawyer. Il ne s'en est peut-être pas rendu compte au début. Il avait prévu que Sawyer reprendrait les rênes de son entreprise dès sa naissance, son destin était déjà tout tracé. Qui plus est, Abigail était une rêveuse, comme sa mère. Il ne l'avait donc jamais vue comme une potentielle héritière. Abigail a toujours été une fille assez timide. Quand elle était petite, elle n'avait que très peu d'amis. Sa timidité lui avait même valu quelques problèmes avec certains élèves qui savaient très bien qu'elle n'avait pas tendance à riposter quand on l'ennuyait. Elle a toujours été une élève modèle, elle a toujours voulu rendre ses parents fiers. Il faut dire qu'avec des parents comme ceux d'Abigail, il y avait intérêt à être à la hauteur. Les Fawkes sont un couple très respecté. En voyant toute l'attention que son père portait à Sawyer, Abigail a fait de son mieux pour montrer à son père qu'elle était capable, elle aussi, de réussir. Quant à sa mère, elle n'a jamais eu besoin de lui prouver quoique ce soit. Abigail a toujours été très proche de sa mère, peut-être parce qu'elles se ressemblaient beaucoup. Abigail l'a toujours admirée. Bien que sa famille s'en sortait très bien financièrement, Abigail a toujours gardé les pieds sur terre. Sa mère ne voulait pas qu'elle finisse comme tous ces gosses de riches qui ont grandi sans connaître la vraie valeur du travail et de l'argent. Il était impensable pour ses parents qu'Abigail et Sawyer ne travaillent pas. Le fait qu'elles venaient toutes les deux d'un milieu aisé n'était pas une raison pour se la couler douce.

(14 ans) Cher journal, je ne sais plus quoi faire attirer l'attention de papa. J'ai beau tout faire pour le rendre fier, celui-ci n'a d'yeux que pour Sawyer. Je ne sais pas encore combien de temps je pourrais supporter ça. Maman voit bien que cela me blesse et je crois qu'elle a déjà essayé de lui en parler mais ça n'a rien changé. Au départ, je pensais qu'il ne le faisait pas exprès donc je laissais passer mais plus le temps passe, plus j'ai l'impression qu'il aime plus Sawyer que moi. Après tout, il y a de quoi, c'est vrai. Elle est bien meilleure que moi dans bien des domaines, je ne le nie pas. Elle a le physique, l'intelligence. Elle n'est pas rouge comme une tomate quand quelqu'un vient lui parler. Mais est-ce une raison pour se conduire comme ça? Et moi qui pensais qu'une fois S à l'université, il prêterait un peu plus attention à moi... Je ne sais plus quoi faire.

(15 ans) Cher journal, Joshua est de plus en plus bizarre avec moi. Je ne sais pas ce qu'il a, je lui ai demandé plusieurs fois s'il y avait quelque chose qui le dérangeait mais il me répond à chaque fois non. Pourtant, je sais qu'il me ment. Je le vois dans ses yeux. J'aimerais tellement qu'il puisse m'en parler, je suis sa meilleure amie après tout.

(15 ans) Cher journal, je n'arrive pas à croire ce que Joshua vient de me dire. Je sais enfin ce qu'il cache et je pense que je n'aurais pas voulu le savoir. Il m'a dit qu'il ressentait plus que de l'amitié pour moi, je ne sais pas quoi faire. Je ne l'ai jamais vu comme ça. Il a toujours été comme un frère pour moi. Je n'ose pas lui dire que je ne ressens pas la même chose que lui, je ne veux pas le blesser. En même temps, je suis en colère contre lui. Pourquoi a-t-il fallu qu'il m'en parle? Plus rien ne sera comme avant maintenant.

(16 ans) Cher journal, je n'arrive pas à croire que je l'ai fait. J'ai décidé de lui laisser une chance. Il a fallu du temps pour que je me fasse à cette idée mais je crois que j'en ai envie aussi. On verra bien où est-ce que ça nous mènera mais j'ai confiance en Joshua.

(18 ans) Ça y est, je suis enfin installée dans ma chambre! Je suis si contente, j'ai l'impression de pouvoir commencer un nouveau départ, loin de papa. C'est d'ailleurs pour ça que je suis venue à Dartmouth. Je devais partir de New York, ce n'était plus possible de rester là-bas. Bon, c'est aussi pour faire enrager papa. Bizarrement, même s'il a beau ne pas s'intéresser à ce que je fais, le fait que je n'aille pas à Princeton comme lui ne l'a pas du tout enchanté. Ma coloc' a l'air sympa, j'avoue que j'angoissais un peu de savoir avec qui j'allais partager ma chambre mais elle a l'air vraiment cool. Et puis, Joshua est aussi à Dartmouth, c'est donc parfait.

(18 ans) C'est la catastrophe, je me suis complètement ramassée aux examens. Je ne sais pas ce que je vais dire à papa et à maman. Pour l'instant, il n'y a que Joshua qui le sait. Heureusement qu'il est là, je ne sais pas ce que je ferais sans lui. Maman va être furieuse, elle va être tellement déçue, elle qui était si heureuse que j'étudie le cinéma comme elle. Quant à papa, je n'ai pas envie de lui montrer qu'il avait raison sur moi. En plus, Sawyer vient d'intégrer l'entreprise. Ce n'est donc pas le moment de lui montrer que j'avais échoué alors que S, sa brillante fille, l'a rejoint au boulot. Le pire, c'est que quand j'ai vu mes résultats, ça ne m'a rien fait. Ça m'était un peu indifférent. Est-ce que je veux vraiment étudier le cinéma? Ou est-ce que j'ai simplement voulu faire plaisir à ma mère?

(19 ans) Une nouvelle année commence et cette fois, je sais vraiment ce que je veux faire. Je pense que je l'ai toujours su mais j'ai toujours eu peur de me lancer. Je veux devenir écrivaine. Je veux vraiment être à la hauteur cette fois. Ça doit marcher, il le faut.

Beaucoup de choses se sont passées depuis la dernière fois qu'elle a écrit dans son journal. Joshua avait rompu avec elle, elle avait alors 22 ans. Quand il lui avait annoncé que c'était fini, elle n'avait pas trouvé les mots pour dire ce qu'elle ressentait. Elle était à la fois en colère contre celui qu'elle avait aimé pendant 6 ans mais elle pouvait aussi le comprendre. Ils avaient tout simplement grandi et ils ne se correspondaient plus. Elle a aussi obtenu sa maîtrise à l'âge de 24 ans.

There are no two words in the English language more harmful than "good job".
Ensuite, elle a enchaîné les petits boulots tout en se consacrant à son premier roman. L'idée de ce bouquin lui est venu à l'université mais elle n'a jamais trouvé le temps, ni le courage de se lancer. Elle l'a commencé à un moment où elle se sentait enfin prête. Elle a essayé de s'en sortir sans l'aide de papa et maman, d'autant plus que son père ne soutenait pas du tout son choix de carrière. Il avait tout simplement décidé de ne plus s'intéresser à la vie professionnelle de sa fille. L'écriture de son bouquin lui a pris 9 mois. Elle a donné le meilleur d'elle-même, elle a passé ses journées et ses nuits à le rédiger. Elle a passé des heures à le lire et à le relire, à corriger ce qui n'allait pas. Elle voulait que ce livre soit parfait et elle avait tout mis en œuvre pour que ce soit le cas. Ensuite, elle a contacté des tas de maisons d'édition. Elle a passé un an et demi à faire ça. Malheureusement, elle n'aura jamais l'occasion de savoir si ce livre aurait marché ou non. En effet, soit elle avait reçu des lettres négatives d'éditeurs, soit elle n'en avait pas reçu du tout.

Maybe I'm not good enough.
Il faisait un temps de chien dehors, il avait plu pendant des heures. Abigail traîna des pieds tout en se dirigeant vers la porte d'entrée. Après être entrée chez elle, elle resta plantée dans le couloir. Elle était trempée, les gouttes d'eau qui tombaient de ses vêtements commençaient à inonder le sol. Elle n'avait plus la force de bouger, ni de parler, ni même de pleurer. Elle tenait son sac d'une main, une lettre de l'autre. Cette lettre, c'était celle de la dernière maison d'édition qu'elle avait contactée. C'était sa dernière chance. La réponse était négative, encore une fois. C'était fini. Son rêve s'était brisé. Elle qui a toujours voulu devenir écrivaine, il fallait se rendre à l'évidence, c'était un échec. Elle n'avait plus la force de se battre.

Après un long moment, elle se décida enfin à enlever son manteau et ses chaussures. Tout en continuant de traîner des pieds, elle se dirigea vers le salon où son père et sa mère se trouvaient. Oui, elle vivait à nouveau chez ses parents. Elle n'arrivait plus à s'assumer financièrement, car l'écriture de son livre lui avait pris tout son temps et elle a dû quitter certains jobs. Ses parents avaient donc accepté qu'elle revienne à la maison. Elle traversa le salon sans dire un mot et elle se dirigea vers la cuisine. Elle sentit que sa mère la suivait du regard mais elle s'en fichait. Elle n'était pas d'humeur. Elle se servit un verre d'eau. Elle entendit des bruits de pas derrière elle et quelques instants plus tard, sa mère apparut près de la porte. Cette dernière hésita à prendre la parole en voyant le regard de sa fille. Abigail décida alors de rompre le silence. C'est fini, maman. J'arrête tout. Elle n'eut pas besoin d'en dire davantage, sa mère comprit tout de suite. Cette dernière s'avança alors et elle la prit dans ses bras sans dire un mot. Sa mère la connaissait très bien, elle savait qu'il lui était impossible de parler maintenant, que les mots qu'elle avait prononcé lui avait écorché la bouche. Abigail sentait que les larmes commençaient à monter. Elle se mit alors à sangloter dans les bras de sa mère. Ses pleurs se stoppèrent net quelques minutes plus tard. Qu'est-ce qui se passe ici? Son père était entré dans la pièce. Abigail essuya rapidement ses larmes et elle se dirigea vers le salon. Rien. Son père la suivit dans le salon, elle sentait bien qu'il n'allait pas lâcher l'affaire. Tu pleures dans les bras de ta mère et tu vas me dire qu'il n'y a rien. Abi ne savait pas quoi lui répondre. Une partie d'elle avait envie de l'envoyer paître mais elle savait aussi que ce n'était pas très raisonnable. Elle se tourna vers lui et elle vit l'air perplexe que son père affichait. Parce que ça t'intéresse ce qui m'arrive maintenant? L'expression sur le visage de son père changea. Il fut un petit peu étonné de la réponse de sa fille puis il commença à froncer les sourcils. Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire? Abigail avait envie de prendre ses jambes à son coup, c'était la première fois qu'elle avait osé dire ce qu'elle pensait à son père. Elle sentit que ce n'était peut-être pas le bon moment pour lui en parler mais elle réalisa également que ça allait sûrement être la seule occasion où elle pourrait lui tenir tête. À ton avis? Tu sais très bien de quoi ce que j'ai voulu dire. dit-elle d'un ton sec. Tu as gagné papa, tu avais raison sur toute la ligne. Je ne suis qu'une ratée, j'ai lamentablement échoué. Mais ça, tu le savais déjà, n'est-ce pas? Un long silence s'installa. Son père ne la lâcha pas du regard. Plusieurs émotions semblèrent traverser son visage. Il y avait de la colère, c'est sûr. De la tristesse, aussi. Quelques secondes plus tard, le téléphone de son père sonna. Ce dernier hésita à prendre l'appel. Le temps passa et la sonnerie commença à agacer Abigail. Elle décida de prendre le téléphone. C'est alors qu'elle vit le prénom de sa sœur sur l'écran. Vas-y, réponds. Tu ne veux pas manquer l'appel de ta fille chérie. Oui, c'était bas, mais il était enfin temps pour elle de dire ce qu'elle avait vraiment sur le cœur. Son père voulut lui répondre mais Abigail ne lui en laissa pas le temps, elle fila directement dans sa chambre.

here's to the fools who dream.
Elle a 28 ans à présent et elle mène une toute autre vie. Elle a quitté New York, il était temps. Après sa discussion avec son père, les choses sont devenues plus compliquées. Il a fini par comprendre ce qu'il avait fait et il a voulu réparer son erreur. Seulement, c'était trop tard à ce moment-là pour Abigail. Elle a refusé de lui pardonner. Toutefois, les choses ont évolué par après, car elle a accepté de reprendre contact avec lui ces derniers mois. Abigail reste toujours un peu sur la réserve mais elle est au moins en bons termes avec lui maintenant. Celle-ci a décidé de vivre au Montana il y a deux ans. Depuis l'échec de son premier roman, elle n'a plus d'inspiration. Elle a décidé d'abandonner son rêve. Elle s'est trouvée deux jobs de serveuse, ce qui lui permet de s'assumer toute seule. Elle ne regrette pas du tout d'avoir emménagé ici. Elle adore cette ville et l'ambiance qui y règne. Elle a l'impression d'y trouver sa place.