Au gré des saisons, des décisions, je m'abandonne (+) Jeremiah

Il doit être un des seuls à ne pas aimer le chocolat, vraiment il ne court pas après ça. ∂ Il n'a jamais vraiment aimé la violence, qu'elle soit verbale ou physique, il préfère régler pacifiquement les choses, alors il n'a pas su se défendre lors de son agression. ∂ Il ne l'avoue pas, mais il a du mal à se remettre de la mort de son enfant. ∂ Les relations hostiles avec son ex-femme, dont le divorce a été signé y a à peine quelques semaines, se détériorent chaque jour, je prends sur moi alors que je suis au bord de l'explosion. ∂ C'est un véritable accro au travail, il était toujours là quand on avait besoin de lui, alors ne plus travailler en ce moment lui est insupportable. ∂ Il est assez secret sur ses sentiments, il n'en parle pas aisément. ∂ Il passe son temps libre à lire ou à regarder des séries, surtout des séries anglaises.

   1986 - 1997 :
Je suis le troisième homme de la famille, si on exclu mon père. Au grand dam de ma mère qui espérait avoir une fille. Je ne serais pas le dernier, puisque, finalement, une fille pointera le bout de son nez deux ans plus tard. Une famille en apparence soudée. Parce que tout est dans les apparences. Mes parents avaient un poste haut placé dans l’entreprise familiale paternelle. Mon père est amené à reprendre les rênes de cette multinationale. Et de générations en générations, la tradition perdurera. Mes parents sont de fervents catholique, et nous prêchent la bonne parole. Pour eux, l’éducation catholique était tout ce qu’il y avait de plus important. Mais, j’étais en quelque sorte le loup dans la bergerie, j’étais celui qui était le plus réticent à cette éducation rigide. Je me rebellais souvent contre eux. Je ne m’entendais pas vraiment avec mes grands frère, l’écart de 7 ans et de cinq ans avec les ainés n’a probablement pas aidé. Ils étaient pratiquement à l’adolescence alors que moi je marchais à peine. Du coup on avait du mal à se comprendre. Et ils faisaient la fierté de nos parents car ils filaient droit, contrairement à moi. Avec ma petite sœur j’ai toujours un instinct protecteur, même si mes parents essayaient de nous éloigner pour ne pas que je l’influence avec mon comportement nocif.

1997 – 2003 :
L’adolescence. Pan d’une vie faites de transformation et changement en tout genre. Vie de rébellion de l’autorité et et de la religion. Mon caractère s’endurcit et mes convictions antireligieuses se forgent et s’endurcissent. La relation avec mes parents s’envenime de jour en jour. Pourtant ils ignorent la stricte vérité : ma bisexualité. Mais peu de terrain d’entente entre nous était possible. Nos désaccords étaient trop nombreux. Pourtant, pour ma petite sœur je fais des efforts pour ne pas entrer en conflits incessant avec eux. L’évitement est donc de mise entre nous pour ne pas pourrir déjà l’ambiance morose. Les études ne sont pas non plus mon fort, même si j’ai rapidement su que je voulais venir en aide aux autres, je détestais rester assis les fesses sur une chaise pour écrire.

2003 – 2009
Une rencontre qui changea le cours de ma vie. C’est comme cela que je peux la qualifier. En tout cas c’est probablement grâce à Melody que j’ai pu calmer les relations avec mes parents. On s’était rencontré pendant mes études d‘éducateur. C’était elle qui était tombée amoureuse de moi. J’avais fini par me laisser attendrir. Je n’ai jamais été réellement amoureux d’elle, c’était un peu la solution de facilité pour moi. Elle me permettait de sauver les apparences avec mes parents. Elle connaissait mon attirance plus poussée vers les hommes. Dans les premières années, je me suis contenté de regarder les hommes tout en restant fidèle. Mais, au bout de six, ans, un vrai record quand même, j’ai craqué. J’enchainais les conquêtes  d’un soir. Au départ je l’ai caché à Melody, qui a fini par le découvrir. Si cela a engendré des disputes, elle a fini par accepter. Surtout parce qu’elle ne voulait pas que notre futur enfant grandisse sans son père.

2010 – 2017 (aujourd’hui)
Ils donnèrent naissance à une petite Natalia, début 2010. Brunette bouclée comme sa mère à son âge. C’était une petite fille pleine de vie. Précoce pour son âge, elle avait la force de nous unir, Melody et moi. Un vrai rayon de soleil, elle était la petite fille adorée de mes parents. Ils auraient presque réussi à être fier de moi grâce à elle. J’avais presque trouvé un équilibre familial qui tenait la route, ne m’engageant jamais dans une relation sérieuse avec un homme et commençant même à privilégier ma vie de famille. Mais cet équilibre vole en éclat un jour de mai 2016. On était parti se promener pour faire les achats de Noël. Rien ne nous prédestiné à voir la vie de notre fille de tout juste six ans voler en éclat devant nos yeux de jeunes parents. On était en train de traverser quand une voiture déboule sur le boulevard à toute allure. Une folle furieuse même. Elle n’a pas freiné alors que l’on était engagé sur le passage piéton. Je n’ai rien pu faire à part regarder la vie s’envoler devant mes yeux, tétanisé. L’effroi nous a fait vivre pendant quelques jours en dehors de la réalité, comme des robots. C’est un deuil impossible à faire. Notre relation avec Melody s’est détériorée, on se renvoyait la responsabilité avec des paroles acerbes, cruelles. Si l’amitié profonde et l’affection que l’on se portait avait permit de se soutenir, cette douleur a tout simplement tout détruit. On finit par se séparer en mauvais termes, continuant de nous insulter dès que l’on se voit. Sera-t-on capable un jour de passer au-dessus de cela ?
Malgré la tragédie, j’ai continué à travailler dans le foyer d’hébergement pour adolescent en difficulté. Ce métier c’était ma passion, et c’est ce qui m’a permis de tenir pendant des années, je m’investissais corps et âmes dedans. Alors il était tout à fait normal pour moi de continuer à travailler, malgré la réticence du chef de service. Si je n’avais plus le travail, je me renfermerais sur moi-même en restant cloîtré dans mon appartement, à subir la pitié de mes parents qui se montraient à la limite condescendant face à cette horreur dont j’étais la victime non consentante. Mais j’aurais dû les écouter, et prendre de la distance. J’étais plus à fleur de peau, moi qui était normalement d’une patience interminable avec les provocations de nos résidents, capable de gérer les conflits calmement sans même élever la voix, ce qui faisait de moi un élément primordial dans les disputes. Mais, après mon retour suite à la mort de ma fille, j’étais plus impatient, plus facile à générer mon énervement. Et, les résidents l’ont parfaitement compris. L’un est parvenu à me pousser à bout. Et c’est le geste de trop de la part du résident qui me frappe à plusieurs reprises, pris par surprise, je m’en tire à bon compte avec seulement des bleus sur mon visage et au niveau du ventre. En arrêt depuis, je tourne comme un lion en cage dans mon appartement, surtout que la seule personne à me sortir de ma léthargie est un de mes collègues, avec qui je travaille régulièrement en binôme. On ne se parle pas vraiment de nos vies privées, mais la complémentarité dans le travail nous a quand même rapprochés. Et, tu es en quelque sorte la seule personne qui ne m’a pas tourné le dos encore.