Du pareil au même (Terence)

Du pareil au même

Il faut faire quelque chose. Alors qu'elle avance d'un pas déterminé, c'est ce que ne cesse de se répéter Agatha en serrant son gros chat roux contre elle. Thelma n'est plus la même depuis quelque temps, et sa propriétaire est bien embêtée. Alors elle n'a pas réfléchi bien longtemps lorsqu'au travail, elle a entendu une nouvelle fois un client vanter les pouvoirs d'un « grand gars blond » que l'on pouvait trouver au Faraday Ranch. Paraissait qu'il pouvait parler aux animaux. Parfait ! La rouquine avait enlevé ses gants de jardinage à la hâte, avait salué son patron et était rentrée chez elle enrouler Thelma dans sa couette-doudou à motifs sardines avant de la prendre dans ses bras. Et désormais elle est là, aux portes du ranch, après avoir attendu le bus une éternité pour atterrir en dehors de la ville et crapahuter jusqu'au lieu en question. Un peu essoufflée par l'effort, Agatha avance plus doucement sur le chemin de la propriété. Un aboiement retentit, la rouquine sursaute et se demande si c'est une bonne idée de s'aventurer ici avec un chat. Mais son hésitation ne dure qu'une seconde. Elle a un grand ami des animaux à trouver, ici. Alors elle le trouvera. Peu importe si elle doit affronter chiens, chevaux, bisons ou dragons.

Quand Terry est au ranch, Bowbow aime bien se promener avec lui et faire genre, c’est lui le gardien de son maître et c’est lui seul qui veille sur le ranch prévenant tout le monde des intrus. Mais Terry n’est pas là, alors en attendant Bowbow prend le soleil sur la terrasse. C’est donc Shiloh cette fois qui joue les gardiens. Le chien souvent fourré non loin des écuries avec les chevaux a repéré l’intruse, ou plutôt l’intrus qu’elle porte dans ses bras, un chat roux. Mais John a vu le chien réagir et le rappelle juste à temps.

Le vieil indien s’approche de la jeune femme qui transporte avec elle un chat… Etonné, il observe l’animal avant de revenir à sa propriétaire. Mademoiselle, puis-je vous aider ? Deux des ouvriers dans les paddocks ont cessé leurs travaux pour observer la scène, intrigués eux aussi. C’est qu’il n’est pas courant de voir un visiteur arriver accompagné d’un chat. En principe les seuls pensionnaires qu’on ramène ici, ce sont des chevaux. Et les seuls animaux présents hormis les chevaux sont des chiens, les trois chiens de la propriété, Bowbow, Shiloh et Pipo. Oh il y a bien quelques chats, mais ceux-ci se montrent plutôt furtifs surtout quand Shiloh est dans le coin.

Donc c’est sûr que cette visite là surprend. Mais à peine John a-t-il abordé la visiteuse qu’une silhouette apparait là-bas plus loin sur le chemin de terre. Terrence est parti tôt en balade ce matin et revient sur sa monture Paloma dans un galop tranquille, avant de ralentir à hauteur de John et de leur visiteuse. Il touche le bord de son chapeau pour saluer la jeune femme, et avisant le chat, il jette un regard curieux à John. Bonjour… il y a un problème ? demande-t-il autant à John qu’à la jeune femme.

Le coupable de l'aboiement et de sa petite frayeur est là, devant Agatha. Touffu et un peu imposant. Heureusement que son propriétaire le rappelle et vient à sa rencontre. Un peu, qu'elle a besoin d'aide. « Je... Je cherche quelqu'un, sourit Agatha d'un ton peu assuré. Un gars... Un gars blond. » La rouquine complète à mesure que les bribes de description de son sauveur lui reviennent en mémoire. Elle sent bien qu'elle fait un peu tache au milieu du décor, avec Thelma qui remue dans ses bras, sa veste en jean aux écussons étranges et sa jupe qui vole au vent. Heureusement, une distraction bienvenue arrive à cheval. Et ce n'est même pas une façon de parler. Un cow-boy qui la salue d'un coup de chapeau. Ça plaît à Agatha, qui a toujours été attachée au côté rustique du Wyoming. Elle répond par une moue un peu gênée accompagnée d'un « bonjour » discret. Et s'empresse de réagir aux propos du cavalier. « Un problème ? Oh non, je viens en paix, assure-t-elle en plissant les yeux pour percevoir la couleur des mèches de cheveux qui s'échappent du chapeau de son interlocuteur. En vain. Enfin, mon chat a un problème, c'est vrai. Dites, vous êtes blond ? » demande-t-elle finalement à l'homme à cheval, ne se doutant pas le moins du monde que sa question pouvait paraître un brin étrange.

Un blond ! John dévisage la jeune femme, un peu surpris par son attitude, enfin moins qu’il ne l’est par la présence du chat dans ses bras. Il essaie de deviner la raison de sa présence mais il a beau envisager toutes sortes de scénario, aucun ne lui parait acceptable. Enfin là pour la peine, il a bien compris que c’était Terry qu’elle souhaitait voir, aussi quand ce dernier apparait, cavalant sur sa Paloma, il est bien content de pouvoir lui refiler le problème qui a l’air un peu trop compliqué pour lui.

Quand Terry s’arrête à leur hauteur, John ne cache pas un sourire amusé devant l’air perplexe du jeune homme qui lui aussi n’a pas manqué de remarquer le chat. Ah ben le voilà votre blondinet ! dit-il sur un ton amusé avant de s’esquiver l’air de rien. Bon je vous laisse, j’ai à faire ! Au revoir mademoiselle lui dit-il en touchant son chapeau pour partir se planquer dans les écuries, enfin pas trop loin parce que le spectacle a l’air d’en valoir le détour.

Quant à Terry son regard va de John dont il n’a pas manqué de remarquer l’amusement à cette jeune femme et son chat. Elle vient en paix lui dit-elle. Ce qui lui fait froncer les sourcils. Il finit par descendre de cheval ainsi ça lui donne du temps pour réfléchir à la réponse qu’il va lui donner. Est-il vraiment blond ? Là est la question. Mais pourquoi diable une telle question ? Il se demande si ça a un rapport quelconque avec le chat. Alors il finit par répondre : c’est ce qui est marqué sur mon passeport en tout cas. Il retire dans le même temps son chapeau et regarde le chat. Vous avez un problème avec votre chat ? Il ne comprend toujours pas quel est le rapport avec lui. Tenant les rênes de son cheval, il attend qu’elle lui donne de plus amples explications à présent qu’elle semble rassurée sur la couleur de ses cheveux.

Le vieux cowboy se moque d'elle. Ou alors elle rêve. Ou alors il se moque d'elle. Ou alors... Non. Agatha est perplexe, mais elle hoche la tête quand il prend congé d'elle, la laissant aux mains du fameux gaillard blond. Au moins, lui n'a pas l'air de s'amuser de la situation - qui exige un peu de sérieux, tout de même. C'est de Thelma dont on parle, celle qui partage sa vie depuis plus de quatre ans maintenant. « Chouette ! laisse échapper Agatha alors que son interlocuteur retire son chapeau. Enfin non, pas chouette, je fais pas une fixette sur les blonds, j'aime les bruns, les roux... Les grisonnants aussi. » Agatha s'arrête de parler, se rendant qu'on compte que cela vaudrait mieux pour tout le monde. Déglutissant pour reprendre un peu de contenance, elle caresse la tête de son chat qu'elle tient toujours contre elle. « Je vous présente Thelma. Je ne sais pas ce qu'elle a en ce moment, elle ne mange plus tellement et elle agit... bizarrement. On m'a dit que vous - enfin qu'un grand gars blond, je suppose qu'il n'y en a pas quarante par ici et... Bref. Que vous faisiez des merveilles avec les animaux. Que vous leur parliez. Alors je me demandais si vous pouviez... lui parler ? » Agatha décroche un sourire et baisse les yeux sur son animal, un peu gênée par la situation. C'est qu'elle n'a pas l'habitude de demander des services aux gens. Et encore moins de venir frapper à la porte d'un ranch pour faire fasse à un cowboy et son cheval.

La fille semble satisfaite de la réponse qu’il lui donne, sauf qu’elle part sur des appréciations sur la couleur de cheveux des blonds, roux, etc. Terry la dévisage de plus en plus perplexe et se demande d’où sort un tel phénomène.
C’est là qu’elle se met en tête de lui présenter son chat, et sa façon de lui parler, ne manque pas d’attirer un sourire sur le visage de Terry qui va même jusqu’à gratouiller la tête de l’animal. Mais le sourire ne dure pas longtemps quand il comprend ce qu’elle lui dit et qu’elle lui expose non seulement le problème de son chat mais la raison de sa présence ici au ranch Faraday. La perplexité la plus totale se peint alors sur son visage et il jurerait avoir entendu des rires là-bas du côté du paddock.

Terry prend le temps d’adresser un regard foudroyant aux deux employés qui reprennent aussitôt et leur sérieux et leurs outils pour ratisser l’enclos. Bon sang, il ne sait pas ce qu’on lui a raconté, mais elle se fourvoie complètement sur lui ! Ce qu’il s’apprête à lui dire mais elle semble tellement inquiète pour son chat. Ok, il va essayer de le lui expliquer le plus gentiment possible : Je crois qu’on vous a… mal renseignée. J’aurai bien aimé pouvoir vous aider mais, ….. bordel, c’est moins facile qu’il ne le pensait. Je ne travaille qu’avec des chevaux, je sais que les gens disent que je sais parler aux animaux mais, en fait …. C’est compliqué, je …. Ça ne marche qu’avec les chevaux. C’est une question d’attitude surtout mais, je suis désolé, je ne peux pas vous aider avec votre chat. Bien que j’adore tous les animaux quels qu’ils soient, je comprends bien moins leurs langages que ceux des chevaux. Vous comprenez ? lui demande-t-il doucement.

Au moins le grand blond semble-t-il plutôt avenant. Il va même jusqu'à caresser Thelma du bout de la main. Agatha sent un souffle d'espoir envahir son cœur. Qui retombe bien vite dès qu'il commence à répondre à sa requête étrange. Dans ses bras, son chat gigote et laisse échapper un miaulement. Agatha, elle, reste immobile. Peut-être a-t-elle amené trop d'espoir avec elle jusqu'au ranch. Au bout de plusieurs secondes de silence à fixer l'homme qui lui fait face, Thema miaule et Agatha tente de masquer sa déception. « Je... Je comprends. Je me suis peut-être emportée, admit-elle en haussant les épaules et en fixant son animal. J'ai vaguement entendu un client parler de vos... pouvoirs ? J'ai accouru ici, mais j'aurais sans doute dû prendre rendez-vous chez le vétérinaire. Ou comprendre qu'il parlait de chevaux, et non de chats. » Agatha fixe l'homme devant elle et tente un sourire. Ce qui cause une montée de larmes irrépressible. Surtout, ne pas cligner des yeux. Sous peine de se ridiculiser un peu plus encore.

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