Aiden Gasp - Il existe bien des barrières, mais aucune ne peut atteindre l'imagination.

Il aimait manipuler les boulons, vérifier l'état des moteurs, se noircir les mains de cambouis, mais c'était sans doute parce qu'Aiden avait toujours été bercé par les grondements des voitures. Dans la famille Gasp, être un doc' pour bagnoles c'était une question d'héritage, de tradition, alors il fallait s'en douter, ce mec là n'allait pas y échapper. Studieux depuis l'enfance il ne rechignait pas, suivant l'apprentissage ô combien primordial au garage familial, guidé par son père et ses oncles, car la plupart des Gasp vivaient à Montana, c'était leur terre et ils en étaient fiers. Et ce petit gars s'en sortait bien, suffisamment appliqué pour faire bonne figure alors qu'en vérité, et dans un secret aussi profond que possible, c'est l'art qui l'attirait, créait en lui une forte passion qui faisait briller ses grands yeux expressifs. Il avait toujours une longue liasse de feuilles vierges et de nombreux crayons biens taillés d'enfournés dans son sac, à l'abri, afin de laisser sa créativité s'exprimer autant qu'il le voulait. Croiser un écureuil sans vie sur le bord d'une route suffisait à l'inspirer, c'était dans la mort qu'il voyait le plus de beauté, il avait souvent du mal à comprendre ce qui effrayait tant les autres, lorsqu'ils repensaient au fait qu'un jour ils décéderaient. C'était une fatalité à laquelle on ne pouvait échapper, alors fallait s'y faire et Aiden n'avait aucun problème avec ça. Oh il ne ferait de mal à personne, rassurez vous, il n'est pas si fou que ça ! Simplement, se dire qu'un jour son coeur cesserait de battre ne lui faisait pas peur, mais tant que cela lui serait permit, il comptait profiter de la vie du mieux qu'il pourrait.

S'il pensait sa famille plus tolérante qu'elle ne le montrait, sans doute qu'à ce jour il se serait investi dans une vie artistique, peut-être même que ses œuvres seraient reconnues et mit en valeur aux yeux de tous, mais depuis le départ de son amie de toujours, Billie, il n'a plus rien tracé de plus que des signatures sur papiers administratifs. Elle qui l'encourageait toujours à s'investir dans la voie de l'art, son départ n'a fait que l'enfoncer dans une routine qu'il continue de poursuivre à ce jour. Et bien que la passion se soit en partie envolée, il continue de garder bonne figure, menant sa vie de simple mécanicien, une petite étincelle ne demandant qu'à être éveillée au fond de lui. Peut-être les choses changeront-elles, bientôt...

Huit pattes velues s'activaient avec hâte, le corps qu'elles menaient s'épuisait à tisser un nouveau domaine, la toile s'épaississait de plus en plus, mais restait assez fragile pour qu'un simple coup de vent la fasse vibrer. A cela un sifflement se faisait entendre, évidemment ça ne venait pas de l'araignée, mais du jeune homme aux cheveux bruns, qui pestait d'être dérangé par ce souffle, qui rendait ses feuilles remuantes. Un soupir plus tard et Aiden reprenait son dessin, lorsqu'il relevait ses iris bleutés, ils étaient aussitôt dirigés vers l'insecte qui poursuivait sa petite vie suite à la perturbation, sans comprendre qu'elle était la muse du jour du jeune artiste. La pointe du crayon traçait des tiges dotées d'épines aux pointes ensanglantées, autour desquelles de nombreuses araignées semblaient danser. Un mélange d'horreur et de joie, s'accordant à merveille aux yeux d'Aiden. Un garçon calme, dont l'esprit vagabonde souvent, depuis toujours. Né d'un père américain et d'une mère aux origines égyptiennes, il n'a jamais manqué de rien. Tout comme pour sa sœur cadette d'à peine trois ans, il fut gâté, sans excès, juste de quoi être un enfant heureux. Et il leur rendait bien, très rarement turbulent, il semblait gagner en maturité déjà très tôt. N'hésitant jamais à donner un coup de main et évitant les problèmes, le gosse presque parfait. Mais ses tendances à s'isoler de tous, à préférer la solitude, inquiétait sa mère. Elle peinait à comprendre qu'on puisse préférer ses rêves à la compagnie. Mais l'arrivée de Billie dans la bulle mentale de son fils la rassurait. Aujourd'hui encore, il se souvenait de leur première rencontre. Petits déjà ils se connaissaient, les pères se voyant souvent au garage des Gasp, le père Brixton faisant partie de ces clients qui se fidélisaient, amoureux de sa propre voiture qu'il chouchoutait, peut-être un peu trop. Un matin, une petite brune l'avait accompagné.

« Bonjour, je suis Billie, Billie Brixton ! » Avait-elle dit lorsqu'elle s'était présentée au jeune garçon, qui, bien que timide devant cette adorable fille aux yeux noisette, l'accueillait avec un grand sourire. « Moi c'est Aiden. » Lui, du haut de ses neuf ans et elle de ses sept ans, ils se serraient déjà la main, dans une imitation amusante d'un comportement d'adulte. Un premier contact qui serait suivi de bien d'autres. Car, ces deux là ne se quittèrent plus par la suite, nouant une grande amitié et une solide confiance. Si Aiden était mal vu pour ses goûts discutables, elle, elle subissait souvent les mauvaises langues de tout ceux n'appréciant pas ses formes. En plus d'être des confidents l'un pour l'autre, sans doute étaient ils aussi une force, pour réussir à passer outre tous ces regards qui vous mitrailleraient sur place sans pitié. Lui l'acceptait telle qu'elle était et encore aujourd'hui ses avis et son respect pour elle, n'avaient pas changés. Mais s'ils étaient régulièrement sur la même longueur d'onde auparavant, depuis quelques temps il semblait qu'ils ne se comprenaient plus aussi bien. Leur entente restait toujours bonne, mais Billie, ou plutôt B.B, donnait l'air d'être parfois encore plus ailleurs que lui, comme ci elle voulait fuir la réalité par le biais de ses songes. Aimant relativiser, Aiden avait fini par se mettre en tête que son avenir professionnel la préoccupait, ce pourquoi elle avait fini par quitter Montana, le quitter lui, pour rejoindre l'immense ville qu'est New York. Il ne lui en voulait pas, il comprenait son choix, mais c'est lorsque l'avion prit son envol qu'il senti un immense vide en lui. Ils se connaissaient depuis tant de temps, savaient tant l'un de l'autre... Se retrouver si éloigné de sa plus proche amie ne pouvait qu'être douloureux. Mais n'y avait-il vraiment que ça ?

Aiden ne c'est jamais posé ce genre de question. Même de toute sa vie d'adulte les questions concernant l'amour ne l'avait jamais vraiment traversé. Il ne voyait aucun mal à être seul, même si ses désirs d'homme s'en retrouvaient parfois... souvent... frustrés. Car en effet, à trente-deux ans, ce mec à la peau olive n'a jamais pu goûter à la chaleur d'une femme. Bien sûr, il veillait à ce que personne ne le sache, s'inventant quelques histoires pour ne pas être renommé comme étant « Le gros puceau de Montana ». Il avait beau ne pas être le mec à avoir une fierté immense, il aimait la discrétion. Et après tout, ça ne regardait que lui. Pourtant, si ce fait se traduit en effet comme étant un manque, aller vers les femmes, tenter de plaire, si cela lui est venu en tête, ça n'a jamais été fait. Le fils Gasp a toujours été bien trop réservé pour se le permettre et il n'en avait pas tant envie que ça. Il était proche de B.B et cela lui suffisait. Tant pis pour le reste. Il c'était de toute façon enfermé dans une routine des plus ennuyantes depuis tellement de temps... Son avenir était tout prêt à suivre le même chemin que ses aînés et si cela faisait de plus en plus son malheur, il faisait le bonheur de sa famille. Un mal pour un bien ?